La lumière passe encore difficilement entre les boisures des volets mais un merle a sonné l'alarme. Mes yeux s'ouvrent exhorbitants et s'inclinent vers l'affichage rouge numérique de mon réveil-matin. 6H13.
Je l'avais programmé pour se déclencher peu après 7H mais l'horloge biologique ne laisse aucun répit. Tout le monde le sait mais, c'est en ce genre d'instant que l'on comprend que de se lever tôt n'est difficile que si la journée vous semble devoir l'être. Cette fois c'est l'ouverture, et je ne ressens aucune fatigue !
Il pleut depuis la veille et mon esprit n'a cessé de travailler des images de crue toute la nuit. La rivière sera t'elle pêchable? Quelques instants après avoir enfilé de quoi me vétir, mon téléphone retentit.
"message de Gilles :
- Oups, t'as vu le niveau de la rivière?"
Les vieux démons refont surface. Ressemble t'elle au cauchemar de cette nuit?
L'image qui a hanté ma nuit :
Je me jette sur le net pour voir les niveaux et je m'aperçois que la rivière a doublée de volume depuis le jour précédent... tant pis, j'y vais quand même !
Départ vers la maison familiale pour récupérer mon père que doit déja être chaud comme la braise. C'est le cas et le café l'est aussi. Une bonne tasse et quelques croissants, nous voilà prêts.
A huit heure, nous prenons le chemin de la rivière sous un ciel tout de contrastes nuageux et des températures qui me font laisser mes vêtements chauds à la maison. L'ouverture cette année, ne se fait pas sous la neige.
En arrivant, nous découvrons avec joie que la rivière, bien que haute, est tout à fait pêchable. Le jeu peut débuter !
L'eau est glaciale, résultat de la pluie qui a fait fondre la neige des sommets vosgiens. La sanction tombe assez rapidement, la pêche sera difficile et il va vraiment falloir gratter le fond pour trouver un poisson actif.
Finalement, la journée va se dérouler au rythme des rencontres, plus amicales que piscicoles. Les poissons sont léthargiques mais on en profite pour croiser quelques amis au bord de l'eau. Déja midi, l'apéro avec Gilles et mon père nous redonne foi en notre existence ! Qui avait oublié le fromage ?!
L'après midi arrive et nous décidons d'exploiter quelques spots moins visités le matin. La pêche reste très difficile et la bredouille commence tout doucement à se rire de moi. Dernier changement de pattern avant de sombrer dans l'acceptation du capot. Lancé 3/4 amont vers une souche qui ne peut qu'abriter quelques poissons, la dérive est élliptique et le bonheur que me procure le fil qui se tend ne peut être conté. La truite a pris et se débat contre les 6 mois de frustration halieutique que je viens de vivre. Il ne reste qu'elle et moi, que la rivière, la pêche et nous.
Sa robe jaune et ses points rouges cerclés de blanc, typiques de la rivière qu'elle affronte depuis sa naissance, rayonnent au soleil de cette fin d'après midi. Le ciel s'est ponctuellement éclairci et la voici qui a su profiter de cet instant pour sortir de sous son caillou.
Mon père n'est pas en reste, puisqu'il semble que ma petite jaune n'a pas été seule à décider de s'alimenter.
Rapidement, nous feront la pêche de la journée. L'activité des poissons durera une petite demi-heure tout au plus, juste suffisamment longtemps pour leurrer une douzaine de truites à deux, dont quelques unes bien moins typiques de la rivière. Il semblerait que tous les gestionnaires de la rivière n'aient pas encore compris l'intérêt, sur des parcours privilégiés comme ici, de ne pas balancer n'importe quoi à l'eau.
Vers 17H30, le coup de folie sembla fini et les truites, comme nous pecheurs, s'en sont retournées chez elles.
L'ouverture est faite, il suffit maintenant d'aller à la pêche !